T’avais tout pour réussir dans cette vie. T’aurai pu avoir le monde à tes pieds, c’était là la vérité. T’étais jolie, le genre de fille qu’on remarquait. Mais pas trop, donc on ne te jalousait pas. En fait t’étais le genre de fille que tout le monde aimait. Les adultes disaient de toi que t’étais une bonne gamine, les gens de ton âge que t’étais une meuf super sympa. T’avais des amis, un tas d’amis. Des gens qui veillaient sur toi. Qui t’admiraient. Parce que t’étais putain d’intelligente et tout le monde disait
« Ollie un jour elle fera des grandes choses. » Les plus convaincus c’étaient tes vieux, alors certes peut être que la vision d’un parent sur son gosse n’est pas super objective mais ils n’avaient pas tort. T’étais bourré de talents. Tu savais jouer du piano, danseuse classique, présidente des élèves et membre d’une association pour la protection des femmes. T’avais pleins de projets, pleins d’idées. Tu voulais conquérir le monde. Tout le monde t’y encourageait. Tu étais Ollie la bienveillante, Ollie qui avait toujours le sourire et un mot gentil pour tout le monde. T’aurai pu être l’une de ses héroïnes de teenmovie. D’ailleurs le début de ta descente aux enfers a eu un peu cette allure-là.
Il était grand, il était beau. Il t’a rapidement fait tourner la tête. Jusqu’à en délaisser tes amis. T’avais d’yeux que pour lui car il était un professionnel des marionnettes. T’es rapidement devenu sa marionnette. Ou peut-être que dans ton bon fond tu t’es dis, toi, Ollie que tu pouvais en faire une meilleure personne. Ça a toujours été ton problème ça. De croire que tu pouvais changer les gens, faire ressortir le meilleur d’eux même. Que tu pouvais les sauver d’eux même. Mais toi, y’a eut qui pour te sauver ? Y’a eut qui pour t’empêcher d’aller côtoyer le diable, d’aller te perdre dans les méandres de l’excès ? Parce que tu t’es retrouvé toute seule avec ton beau parleur, ton beau charmeur. Oh ça oui il était beau, il était drôle, il te disait que t’étais belle. Que t’étais la seule…
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« Vas-y essaye. Juste une fois. Tu verras ça fait rien. Et comme ça t’arrêtera de me prendre la tête avec ça. » Tu attrapes le joint entre tes doigts, t’as jamais touché à la drogue. Tu sais que pleins d’gens en prenne alors c’est que ça doit pas être si néfaste. C’est peut être ce genre de choses qu’on diabolise alors que dans l’fond c’est pas si grave. Tu tire une latte, puis deux. Tu t’étouffe un peu avec la fumée qui envahit tes poumons et tu recrache en toussant. Il rigole, tu le regarde et tu rigoles avec lui.
« Tu vois Ollie c’est rien. C’est que d’l’herbe »---
C’est que d’l’herbe… si t’avais su que c’était ce genre de phrases qui te mènerai à ta perte. Ta perte qu’est arrivée pas si longtemps après finalement. Pourquoi t’es parti avec lui ? Tu sais pas trop. Parce que tes parents ont commencé à vouloir que t’arrête de fumer quand ils l’ont découvert. Mais qu’est ce que ça pouvait bien faire ? C’est que d’l’herbe après tout. Mais toi tu ne t’étais pas rendu compte de ceux qu’eux ils voyaient. Ils ont vu l’herbe qu’a commencé à devenir régulière et ce qui avait commencé par un joint est devenu pilule. Des pilules colorées. Ça aussi « ça fait rien Ollie, teste allé. » Putain c’que t’as pu être conne. Pourtant t’as commencé à les avaler les pilules colorées et elles t’ont retourné la tête. Elles ont commencé à creuser tes joues, a faire fondre les muscles d’années de danses. Elles ont commencé à ternir ta beauté, ternir ton beau visage. C’est p’tet le mot « désintox » qui t’a fait réagir. Pas dans l’bon sens malheureusement.
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« Tu vas pas les laisser faire ça Ollie. Tu vas pas les laisser te foutre là bas. T’es la première à le dire, ça fait d’mal à personne. » Ouais à personne sauf à toi, sauf à tes proches, à ceux qui t’regardent te faire bouffer, t’faire ronger par la merde que tu prends tous les jours. Ça fait d’mal à personnes sauf à eux. « viens on se barre. On s’tire. On s’casse. Juste nous deux. » T’as cru qu’il voulait t’aider. Peut être parce qu’il avait l’air sincère ou que t’étais trop défoncée. « Putain j’t’aime moi. Alors vient on s’tire. Tous les deux. J’veux pas qu’ils te trainent dans une cure de merde… J’te protégerai toujours. » Mais putain. Pourquoi tu l’as cru ? Pourquoi t’as cru ce con. Pourquoi t’as fait ton sac et t’es partie sans rien dire. Putain Ollie qu’est ce que tu peux être conne quand t’es amoureuse.
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T’es arrivé à Melbourne pour rien. Pour lui. T’es arrivé à Merlbourne parce que c’est là où il voulait aller. Parce que comme une idiote t'étais amoureuse. Tu pensais pas qu’il t’abandonnerai deux semaines plus tard. Tu pensais pas qu’il partirai avec la première venue qu’étais plus fraiche, plus jeune, plus la toi d’avant. Il t’a laissé là un beau jour il t’a juste dit de ne jamais rentrer. -Ollie c’est fini.-
Alors Ollie c’est fini. T’es toute seule Ollie. T’as plus personne, t’as même plus lui… pourtant il avait fait des promesses. Des promesses à la con, des promesses de merde. Des promesses auxquelles t’as encore cru. Pauvre idiote. Pourquoi tu crois toujours aux belles paroles ? Pourquoi t’as pas écouté tes vieux comme une bonne gamine que t’avais toujours été.
Puis tes vieux, tes vieux t’pouvais pas les rappeler après ça, après le mal que t’avais fait autour de toi. Tu ne pouvais pas. Parce que t’as foutu l’bordel dans leurs vie, t’as ruiné la tienne. Tu pouvais pas rentrer, fallait que tu t’démerde à ta façon. Comme une grande. Parce que maint’nant t’es toute seule dans l’monde, dans un endroit qu’tu connais même pas. T’as flippé les premiers jours, t’avais peur, t’avais froid. Tu savais même pas où t’allais. T’as failli crever de froid plusieurs fois. T’y a laissé tes os.
Puis tu t’es relevé parce que t’allais pas te laisser crever comme ça. Parce que tu valais mieux que ce connard qui t’avait abandonné là. Parce que t’allais pas te laisser crever pour ses beaux yeux. Tu valait mieux que ça.
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« Putain Ollie allé relève toi bordel ! Il te mérite pas. Personne te mérite. » Tu pousses sur tes deux jambes pour te relever du trottoir sur lequel tu t’es affalé. T’as froid, t’as les os rongés par le froid. T’as faim aussi. T’as pas mangé depuis deux jours parce que t’as dû choisir entre des cachets et un repas. La question n’est pas restée bien longtemps dans ta tête et t’échangeais tes vingt derniers billets avec un sachet transparents remplie de deux petites pilules roses. Mais tu peux pas mourir ici, tu ne peux pas te laisser tomber sur ce trottoir et attendre que la mort te gagne. Tu ne mérites pas ça, tu vaux mieux que ça, même si tu ne vaux plus grand chose.
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Ta remonté la pente, enfin si l’on peut dire ça. T’as commencé à la remonter mais tout en haut t’as toujours une merde qui te pousse en bas de la colline. Un peu l’histoire du rocher de Sisyphe. Tu voudrais bien remonter totalement la pente, tu voudrais bien aller chez ta famille, leurs faire un grand sourire et leurs dire
« Hé je suis de retour ! C’est moi. » t’aurais aimé recommencer ta vie là où tu l’avais laissé. Mais tu te démerde comme tu peux, parce qu’il faut bien vivre et tu t’es trop sali pour retourner les voir. Tu te demandes, si parfois, eux ils pensent à toi, et si parfois ils se demandent ce que tu es devenue. Ce que tu fais , si t'es toujours la même. Peut-être qu'ils savent, et qu'ils n'aiment pas ce qu'ils ont vu, peut-être qu'ils savent et qu'ils préfèrent faire comme si tu n'avais jamais existé. Tu ne sais pas trop, ça t'es déjà arrivée de prendre le bus jusqu'à Sydney et de passer des heures dans les rues a te dire que tu les croisera peut-être, à aller au bout de la rue et de regarder la maison de loin qui semble si calme.
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Il est minuit, comme tous les soirs t’attends, t’attends ton rendez-vous du soir. Parce que tu vends ton corps pour quelques bouts de papiers, tu vends ton âme l’espace d’un soir pour te payer ce dont tu as besoin.
« Bonsoir. » Il doit avoir cinquante ans, il a débarqué dans une voiture bien trop classe pour le quartier. Pour une fois il ne sent pas l’alcool. T’ouvres la voiture, tu s’assieds sur la place du mort et t’attends qu’il démarre. Tu sais plus ou moins à quoi t’attendre. C’est toujours la même chose. Il va sans doute te traîner dans une soirée mondaine où sa femme n’est pas assez jolie pour être amené. Tu vas bouffer des petits fours, tu vas boire du champagne puis tu vas le forcer à boire beaucoup pour que la nuit dure cinq minutes. Après tu te rhabille et tu pars avec un taxis jusqu’à chez toi. Tu laisses un peu de toi, a chaque fois, dans les froissements des draps, tu laisses un peu de toi à chaque fois, comme si tes yeux continuais de fixer les plafonds des chambres d'hotels. Tu te demandes toujours un peu ce que tu fou là, dans le fond, tu te demande si tu pourrais pas changer tout ça. Mais tu avales des pilules, une ou deux et l'envie de voir ailleurs te passe presque aussitôt.
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T'as pas mérité cette vie là Ollie, t'aurai pu faire de grandes choses. T'aurais pu être médecin, avocate ou même présidente. Et tu te retrouves âme des rues en peine, mais tu t'en fou finalement. Parce que tu t'es jamais sentie aussi libre, aussi reconnaissante d'être en vie. Parce que tu te lève encore chaque jours avec l'innocence de l'enfance. Parce que tu feras peut-être jamais bouger les choses, changer l'monde mais qu'est ce que ça peut faire. Tant que t'es pas morte dans un caniveau. Tant que tu es là, l'air qui remplie tes poumons, ton rire qui s'élèves dans les crépuscules, tant que tes pieds martellement encore les pavés de la putain de vie. T'es vivante, tu respires, tu seras sans doute jamais avocate ou présidente, tu n'entreras jamais dans l'histoire.
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En vrac : t'aimes l'odeur du café, celle de la pluie, le son de l'orage et la douceur du velours. T'aime le son du piano et dès que t'as l'occasion - même si c'est rare - tu en joue encore, tu parles français et anglais , t'as renoncé à quitter Melbourne, t'es une éternelle optimiste, tu adores jouer avec les briquets , t'aime les chats dodus et poilus , t'aime lire, t'aime les gens, tu supportes pas être toute seule. T'es une éternelle optimiste qui tiens jamais en place, t'as toujours besoin de faire un truc, d'avoir un truc dans les mains. Tu sais pas parler sans franchise, t'as du mal à être fausse avec les gens. ça pose parfois problème. T'es une gamine qu'à pas vraiment grandit. T'aime toujours les trucs d'enfants.