J’suis cette contrefaçon de gamin heureux, qu'on a vu à la TV quand on était petit. Bah oui, tu sais ? T'es ce gosse, là... Arh, comment il s'appelait déjà ? Harry, ou Billy de la série trop connue  « Incroyable famille » qui passait le soir à la télévision. Une série familiale où j'incarnais le parfait petit garçon. j’étais le gentil et mon pseudo grand frère c'était l'adolescent un peu débile. Deux sœurs, une belle aux passions un peu futiles, une intello qui ne pense qu'à ses études. J’étais le gamin du milieu que tout le monde aime. Qui fait cracher des «Haaaaaan» au public en bruit de fond à chaque fois qu’il dit un truc marrant ou adorable.Dans les épisodes seulement. Parce que mon enfance à moi, je l'ai passée sur les plateaux de télévision, en voyage et souvent très seul en vérité. C'est la carrière de ma mère qui primait sur tout. Sur tout ce qui était et avait été un jour important pour elle. Et moi j’étais clairement pas une priorité pour elle. j’ai pas vraiment connu l'école. Ça paraissait trop compliqué et bien trop dangereux pour moi en tant qu'enfant d'aller à l'école et de suivre des cours comme tout le monde et puis je pouvais pas de toute façon  parce que j'avais la série dans laquelle je jouais et les tournages durent parfois pendant plus de cinq ou six mois. Et c'est bizarre de se dire que j’ai grandis en ayant tout ce que je voulais , sauf des gens pour qui partager tout ça.
J'avais cette place dans la tête des gens, du petit qui a l'enfance rêvée avec toutes les nouvelles consoles, tous les nouveaux jouets à la mode et puis tout ce dont peut rêver un gosse de cet âge là. Mais je n'avais pas vraiment le temps de jouer en vérité. Parce que ma carrière a commencé presque à ma naissance et qu'elle a continué jusque tard dans ma vie.

J’ai passé l'adolescence entre l'internat pour gosses de Star que je fréquentais et puis les shooting, les tournages, les pubs. Je faisais de tout. Et je m'épuisais et j'avais pas la place de m'épanouir en tant qu'individu propre. Quand je revois les épisodes de L'incroyable famille, je me demande si ce n'est pas ma vraie enfance au final. Je suis cette contrefaçon de gamin heureux là dedans. Mais je ne suis pas Billy. Je ne suis pas le gamin parfait et gentil de la série, loin de là. Très tôt dans ma vie, j’ai commencé à m'intéresser aux fringues de filles. Très tôt, j’ai su que je n’étais pas comme les autres. J’étais pas comme les autres gamins qui tournaient avec moi. Mais pas non plus comme ceux de l’extérieur. J’étais pas comme les autres enfants de stars hollywoodiennes non plus. De ceux qui veulent absolument rendre leurs parents fiers. Ou ceux encore qui ont un besoin de reconnaissance dissociatif. Je me sens différent. Différent des petites gens qui ont un quotidien normal. Différent de ces stars à la sauvette, dont la carrière est aussi courte qu’un barreau dans un camp de naturiste. A force de me sentir différent j’en ai fait ma marque de fabrique. Ça sert à quoi d’essayer de s'intégrer dans un monde qui me verra toujours comme un monstre ?

Oui, oui. Je sais. J’entends déjà les gens me dire que j’ai trop de la chance, car tu vois, moi, j’étais potes avec les enfants Smith. Que traîner avec Jaden quand t’as huit ans, c’est quelque chose quand-même. Et que, au fond, je devrais être fier, parce que c’est clair que sans moi, Jaden aurait jamais porté aussi bien ses jupes. Mais tu vois, au fond, Jaden ou un autre gosse de ce monde-là, c’était pas mon ami. Tous ces gens n'ont pas d’amis.  C'est bien beau d'être un gamin riche et célèbre mais j’ai fini par traîner avec les gamins qu'il fallait pas. j’ai fini par aller dans les fêtes où il ne fallait pas aller. J’ai fait partie de la jeunesse dorée qui s’est brûlé les ailes. Qui s’est détruit la vie.  

 Et j’en ai  bu à en oublier mon prénom. J’ai pris toutes les pilules et toutes les poudres qui me passaient par les mains. J'ai tout essayé. J’ai tout pris. Tout. Et j’ai dilapidé ma fortune. Celle qui a  pris toute mon enfance à récolter. Après les premières fêtes, très très très vite, les premières cures de désintoxications. C'était facile  de mentir au début. De promettre que j’irais mieux. j’ai la petite gueule d'ange qui aide à faire croire tout et n'importe quoi. Et je le sais, j’ai encore cette image dans la tête des gens. Celui du gentil gamin. Inventé par Hollywood. Ça n'a jamais été moi mais ils ont plus de facilité à le croire qu'à me blâmer dès le premier regard. Alors j’ai usé encore et encore de mon image de bon gars pour sortir plus vite. Retourner plus vite auprès des miens.  Les gens de la drogue, de la fête.  Je le savais sans le savoir : c'est le genre d'amis qui disparaissent comme par magie dès que j’ai plus de fric. Et ce moment-là, il est vite arrivé. La grande vie, les fringues de designer et les fêtes qui ne finissent jamais, ça a un prix. Ça a un coût.  Après ma troisième cure de désintox et le deuxième psychologue qui a démissionné, ma mère a décidé de me couper les vivres. De me couper les vivres de mon propre argent. Soit disant pour me protéger. Je pense surtout qu’elle sentait le vent tourner en sa direction. Elle a compris qu’on se mettrait vite à lui poser des questions sur ce qu’elle a foutu dans ma vie pour que je parte autant en couille que ça, aussi jeune. Elle a pris les devant, elle a sanctionné publiquement et elle est retournée faire sa vie. C’est plus simple, comme ça. Et puis, tu sais, c’est pas comme si je m’attendais à plus de sa part. Mon père quant à lui, est producteur de musique, et il est marié avec quelqu’un d’autre. Je suis le résultat d’une liaison secrète entre mon père et ma mère à la fin des années 90. Nos relations, comme tu te doutes, ne sont pas extraordinaires. Il paye mon silence une fois par mois en m’envoyant du fric et c’est surtout comme ça que je survis. Ce n'est pas la peine de me consacrer un hashtag twitter et instagram, même ruiné, je vis sans doute bien mieux que pratiquement tout le monde. Pas de #Freebaby. Si je voulais attaquer ma mère en justice, ce serait déjà fait. Et puis, le chantage, c’est pas si mal.

Après le scandale médiatique qu'a provoqué la décision de ma mère,  je suis juste parti rejoindre ma meilleure amie à Melbourne. Je me disais qu’aller me mettre à l’autre bout du monde, ce serait une bonne occasion pour avoir une vie un peu plus tranquille. Recommencer sur une autre base. Et puis je me dis aussi que ce serait peut-être l’occasion de trouver une place. Quoi que ça puisse être.  Peut-être bien qu’à l’occasion je me remettrais à faire des casting, des films, des séries. Et peut-être même que je finirais mort d’overdose sur un trottoir. On ne peut jamais vraiment savoir à l’avance avec moi.