[[ TW : L'histoire de Maria est pas rose du tout. Si vous êtes sensible , mieux vaut ne pas lire ]]

(DEPART) Je suis née à Chicago ; dans une famille d'immigrés roumains et il faut bien l'avouer, ce n'est pas ma plus grande fierté. Je pense même que j'ai repoussé ma famille pendant des années juste pour ça, juste pour le fait que je ne voulais pas être associée à eux. Une famille avec trop de gosses , un père décédé et une mère malade incapable de prendre soin de ses enfants , laissés dans la vie sauvage de Chicago. Si je devais être objective, je dirai que mon frère et ma soeur ont fait leur maximum pour nous, du moins ils ont essayés de nous offrir une vie pas trop bancale. J'insiste sur le pas trop car finalement, personne n'aurait voulu de cette vie là. Même si on peut s'amuser à jouer la famille parfaite, personne ne voudrait vivre dans une maison qui tombe en ruine. Une maison qui sent la moisissure, de celle qui menace de s'effondrer sur vos têtes dans votre sommeil. Une salle de bain pour trop de gens, pas assez de chambres pour que tout le monde se retrouve à s'entasser comme il peut dans des chambres.  Je ne leur en veux pas, finalement c'est la faute à pas de chance quelque part si on a grandi comme ça.  Je crois qu'on est juste un peu trop illusoir sur ce qu'on voudrait faire, qu'on sait tous que c'est pas comme ça qu'on s'en sortira et moi, tout ce que j'ai toujours demandé dans le fond c'est juste d'aspirer à une vie meilleure que celle là. Voir les choses en un peu plus grand que compter les dollars qui trainent pour remplir le frigo suffisamment.

(ENFANCE) Au début, je pense que ça allait, au début j'étais heureuse, au début je voyais ma famille comme ce qui pourrait me protéger de tout. Je crois. Au départ, j'étais heureuse de vivre dans cette maison trop étroite, avec ce bruit permanent . Quand j'étais enfant, j'aimais cet endroit, aller voir ma mère enfermée dans sa chambre et passer des soirées dans le canapé à raconter mes journées à Koda. Je pense que mes yeux d'enfants voyaient ça plus simplement, qu'ils ne percevaient pas vraiment à quel point c'était la merde tout ça. A quel point ,dans le fond, tout ce qu'on avait c'était pas grand chose. J'étais cette petite , fan de son grand frère; admirant sa grande sœur qu'elle prenait pour une deuxième maman. La vie n'était pas si mal. Ce n'était pas vraiment grave de grandir dans une maison où on n'a pas sa propre chambre, pas la salle de bain plus de cinq minutes le matin. C'était que des détails, et dans le fond c'est jamais vraiment ça qui m'a fait m'éloigner d'eux.


Il y a des larmes qui ruissellent sur mes joues, et cette envie de m'enfoncer dans un endroit où personne ne pourra jamais me retrouver, où tout ça; c'est juste dans ma tête, tout ça ce n'est pas la réalité. Est ce que j'entendrais encore leurs rires si je ferme les yeux, si je serre un peu plus fort mon sac contre ma poitrine qui se serre à mesure que je cours. Est ce que ça peut s'estomper ? Le bruit de leurs cris dans mes oreilles, la lumière des flash dans mes rétines. Je cours, aussi vite que possible, à la recherche de la sortie la plus proche. J'étouffe, je suffoque. Leur rire dans mes oreilles , ses mains sur ma peau et la sensation de brûler à chaque endroit qu'il a touché. Stupide, naïve, idiote, sale.. je n'entends plus rien que leurs rires dans mes oreilles quand je claque la porte de la maison beaucoup trop tôt.

« -Tu sèches encore les cours Maria ? Et c'est quoi cette tenue ?  Tu vas finir par avoir des ennuis à faire n'importe quoi et à t'habiller comme ça » Olga. Assise à la table de la cuisine, en train de préparer le déjeuner pour maman , me toise de son regard sévère, à moitié surprise de me trouver là si tôt. « -C'est pas.. c'est pas ce que.. » mais j'ai peut-être usé mes dernières cartes ces derniers temps à chercher des limites, à vouloir attirer l'attention de Koda pour qu'il revienne à la maison. Elle soupire en posant son économe et passe une main dans ses cheveux bruns. « -Arrête de mentir Maria ! Tu étais encore en train de sécher les cours et tu pensais que personne ne serait là ! Qu'est ce qu'on va faire de toi ? Tu fais n'importe quoi, tu as des notes médiocres et tu passes ta journée à traîner avec n'importe qui et faire n'importe quoi. »
Elle ne me laisse pas vraiment le temps de parler, pas même le temps de dire quoi que ce soit. Elle ne remarque même pas, les larmes qui ont séchées sur mes joues, les tremblements de mes épaules , la peur dans mes iris. Elle ne remarque même pas.


(COLERE) Oui, je fais n'importe quoi, et toute ma famille me traite d'égoïste, de petite fille capricieuse qui fait tout pour détruire les efforts de tout le monde. De sale égoïste qui n'est jamais là pour aider, qui préfère donner des soucis à ses aînés et à sa pauvre mère malade. C'est ce qu'il pense tout de moi, au final. C'est ce qu'il ont toujours pensé tout de moi, je ne suis qu'une source d'ennuis. C'est fou comme l'autodestruction ça prend vite. Personne n'a remarqué, les blessures invisibles. Personne n'a remarqué à quel point, j'étais juste perdue. Alors je fais n'importe quoi, je fais n'importe quoi jusqu'à m'étouffer moi même dans mes problèmes. Est ce que je suis ce genre de gamine en mal d'amour ? En mal d'affection peut-être ? Est ce que je leur en veux à eux, alors qu'ils n'ont rien fait ? Oui. J'en veux à Olga pour ne pas avoir remarqué, j'en veux à Olga pour avoir appelé Koda pour lui dire que j'avais séché les cours et que j'étais encore sortie dans une tenue indécente. J'en veux à Olga pour ne rien avoir trouvé mieux à dire que si je m'habillais comme ça, j'allais finir par me faire agresser ou pire violer dans la rue. J'en veux a Koda, d'avoir soupiré en passant une main sur son visage ,et à sa stupide connasse de femme de m'avoir lancé son regard si dépité. Mélange de mépris et de jugement. Je leur en veux de ne pas avoir remarqué ce jour-là… Je n'arrive pas à passer au dessus ça , je n'arrive pas à réprimer ma colère pour ça.

(AMOUR) Il y a ce garçon, qui n'est pas comme les autres, et même si je comprend déjà à quel point je m'enfonce encore dans ses ennuis, je ne peux pas m'empêcher de me sentir bien quand il est là. Je ne peux pas m'empêcher de me dire, que pour une fois, je le mérite peut-être . Un garçon gentil, même s'il n'est pas parfait, rempli de névroses et de démons. Je l'accepte comme ça. Avec lui, je me sens bien, comme si j'étais libéré d'une sorte de poids. Est ce que c'est ce sentiment d'être à l'abri quand il est là qui me redonne un peu confiance en moi ? Il me dit qu'on pourrait partir, juste nous deux. Au bout du monde, dans un endroit où il pourrait oublier ses ennuis, où il pourrait refaire sa vie. Autrement. Avec moi. Il me dit que je suis la chose la plus précieuse dans sa vie, et je crois, que naïvement j'y crois. A  cette vie où il n'y aurais que nous, et où on pourrait tourner la page.

On part, on part à Melbourne, le plus loin possible de nos ennuis, de ses ennuis. On part, recommencer tout ailleurs, là où je me sentirai peut-être plus heureuse. Mais nous sommes ensemble. Alors tout va bien. Je laisse une lettre à maman, une a Koda, une à Olga et je les remercie quand même d'avoir essayé de faire quelque chose pour moi. Je leur dis qu'ils n'ont pas à s'inquiéter, que je vais bien, que je pars vivre la vie dont j'ai toujours rêvé quelque part où je me sentirai mieux, plus à ma place. Je pars, comme ça, sur un coup de tête.


je crie, je hurle, à m'en rompre les cordes vocales, je hurle si fort que j'ai l'impression de ne même plus entendre les bruits autour de moi, juste le sang qui tambourine dans mes tempes. Je veux sortir de cet enfer, je veux que ce cauchemar se termine. Les larmes sillonnent mes joues, et j'ai l'impression qu'on m'arrache un morceau de moi. J'ai l'impression que l'on m'arrache le cœur, qu'on le déchire avec violence. Je suffoque, la gorge sèche à force de hurler son prénom. Son dos se soulève une dernière fois au rythme de la respiration fuyante et d'un coup plus rien. Le néant. La mort. Elle envahit tout autour d'elle, comme si tout se taisait d'un coup. J'arrête de hurler, j'arrête de pleurer, je regarde ce corps, inerte, et le sang qui s'écoule. Face contre terre, il ne bouge plus, il ne respire plus. Il n'est plus là.
On me tire, on me jette dans une voiture, et l'entrepôt disparaît au loin.


(DETTES) Je dois rembourser ses dettes, je dois rembourser ce qu'il leur doit, même si je n'ai rien à voir là dedans. Je suis ce qu'il leur doit. Notre rêve transformé en cauchemar, ma vie plongée dans le brouillard.